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Témoignage de Mme. Saintoyant, Directrice de cabinet, Préfecture de la Marne (France)

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      Le rôle des préfets dans la coordination des services de l’État au cours de la crise du Covid-19

      Témoignage de Mme. Valérie Saintoyant

      Directrice de cabinet, Préfecture de la Marne

       

      La gestion de la crise du covid-19, aura été, pour le corps préfectoral, très exceptionnelle. Outre sa durée particulièrement longue, qui a impliqué la prise de mesures particulières pour garantir la mobilisation des équipes auxquelles se sont par ailleurs appliquées les contraintes du confinement, cette crise a impacté l’État dans toutes ses composantes.

      Ainsi, au-delà de sa dimension sanitaire, la période de confinement, qui a fortement perturbé la vie quotidienne de nos concitoyens, a, comme le souligne la préfète du Bas-Rhin, « exigé des préfectures qu’elles soient à la manœuvre dans leur fonction de gestion de crise à travers une approche multisectorielle : continuité des activités essentielles à la vie de la nation et des transports, respect des mesures de confinement sur des portions du territoire où l’acceptabilité de ces mesures est plus faible, intégration des plus exclus dans des dispositifs de veille sociale, d’aide alimentaire et en hébergements adaptés à la situation ».

      Dans le cadre des directives fixées par le Gouvernement, les préfets ont été conduits à structurer l’action de l’État et à mettre en œuvre des réponses adaptées aux enjeux locaux. Dans ce cadre, leur rôle dans la coordination des services de l’État a été décisif.

        1. Face à une crise multisectorielle, le pilotage de l’action publique par les préfets a renforcé la légitimité des services territoriaux de l’État

      Dès le début de la période de confinement, les COD des préfectures ont été activés selon des modalités adaptées aux spécificités de la crise. Comme le souligne le préfet du Doubs : « le mode classique de conduite de crise avec réunion en présentiel du centre opérationnel de crise n’a pas été possible et a impliqué de repenser l’organisation et les circuits d’information ». Dans ce contexte, la coordination des services de l’État s’est fondée sur une appropriation rapide des outils numériques (visioconférences, Facebook live), jusqu’alors utilisés de manière plus ponctuelle.

      A l’initiative des préfets, les réunions « point de situation » ont ainsi associé les services déconcentrés de l’État, mais aussi souvent, plus largement, l’ensemble des partenaires essentiels à la compréhension et à la gestion de la crise (conseil départemental, président de l’association des maires, procureur, DDFIP…) A cet égard, le préfet de la Marne estime que « l’association large de tous les acteurs était le meilleur moyen de faire front ».

      Les services territoriaux de l’État se sont rapidement mobilisés, démontrant leur capacité de réactivité, d’inventivité et de résilience. Alors que dans certains départements, les collectivités ont pu faire preuve d’un relatif retrait, la préfète du Lot-et-Garonne affirme que sans les services de l’État et « notamment les échelons départementaux et infra-départementaux, la bonne gestion et la coordination des multiples actions conduites pour garantir, dans cette période exceptionnelle, le maintien du lien social et le fonctionnement des institutions publiques n’auraient pas été rendues possibles ».

      Les préfets soulignent que le renforcement des liens entre les services de l’État s’étend au-delà du cercle de la RéATE, y compris sur des champs d’intervention qui ne relèvent pas spécifiquement des missions régaliennes de l’État. Il semble que les clivages institutionnels se soient largement estompés à l’occasion de la crise.

      Dans l’Oise, le préfet relève que le « triumvirat constitué autour du préfet, du directeur général de l’ARS et de la rectrice d’Amiens a présenté un front uni pour lutter contre la diffusion de la pandémie. Cette solidarité dans l’épreuve était guidée par un souci d’efficacité ». Le préfet de la Haute-Savoie mentionne que le tandem constitué par le préfet et le DASEN dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif de la garde des enfants  des publics prioritaires a fonctionné de manière efficace.

      En termes de communication, les préfets indiquent que la principale difficulté a résidé dans la nécessité de trouver le juste équilibre entre une communication forte, suffisamment dissuasive, mais néanmoins rassurante afin de permettre la continuité des activités économiques indispensables à la vie de la nation. Malgré ces précautions, le préfet de la Seine-Maritime note qu’en « dépit d’un réel effort de transparence, les peurs, inquiétudes irrationnelles et théories du complot, amplifiées par les réseaux sociaux, ont bien souvent pris le dessus sur la raison ».

      Au sortir de la période de confinement, les retours d’expérience font néanmoins apparaître que le pilotage de la crise et de l’action publique par les préfets a renforcé la légitimité des services territoriaux de l’État. Comme le mentionne le préfet de l’Essonne « la gestion de la crise a manifesté, localement et dans les propos réitérés du Premier ministre, que le corps préfectoral est positionné comme l’interlocuteur de proximité des parties prenantes à la crise en tant qu’autorité de confiance en capacité de comprendre la réalité territoriale et d’impulser une dynamique opérationnelle coordonnée ».

        1. La gestion de la crise a conforté la nécessité de coordonner l’action de l’État local avec les échelons supra-départementaux

      Au-delà du pilotage de la gestion de crise à l’échelon départemental, la nécessité de coordonner les actions de l’État, tant au niveau régional, que zonal, s’est imposée dès les prémices de la crise.

      Les préfets de départements (Essonne, Lot-et-Garonne, Marne, Meurthe-et-Moselle, Oise, Haute-Savoie) insistent sur l’importance de la préfecture de région dans son rôle de coordination et d’impulsion, l’échange de pratiques permettant aux préfets de conforter et de mettre en cohérence leurs décisions. En effet, face à une crise dont les conséquences présentaient des caractères communs, les réponses départementales ont nécessité d’être éclairées par des points de situations et retours d’expérience partagés.

      Les fonctions d’animation des échelons régionaux ou zonaux ont pris tout leur sens, sans pour autant restreindre les marges d’adaptation locales. A cet égard, le préfet de l’Oise indique que « la méthode choisie a conjugué arrêtés fixant les principales mesures coercitives (…) et droit souple pour adapter les mesures aux spécificités de chaque secteur. Ce recours au droit souple a facilité l’adaptation des réponses apportées à la crise en fonction des échos du terrain ».

      Les préfets soulignent également l’importance de l’échelon zonal dans son rôle d’opérateur logistique au bénéfice des services de police, de gendarmerie et de préfecture, par la fourniture de masques et de gel hydroalcoolique.

      De même, l’articulation avec l’échelon central et la diffusion par le CIC (Centre interministériel de crise) de fiches pratiques thématiques, avec sollicitation du terrain en amont, a été appréciée. Ainsi, la préfète du Tarn juge-t-elle « très efficace l’évolution du reporting en cours de crise, qu’il s’agisse des synthèses thématiques, des visioconférences avec le ministre, de la mobilisation du CIC en réponse directe des préfets de département ou de la construction de certaines fiches avec des préfets de département ».

      Conclusion :

      Si cette phase de gestion de la crise a vu l’émergence de nouvelles modalités de coopération et de mise en œuvre de l’action publique, elle a également mis en exergue, comme le souligne le préfet du Jura, « le leadership du ministère de l’intérieur dans la gestion de la crise, tout d’abord parce que la gestion de crise est une mission régalienne par excellence, ensuite parce qu’il est le ministère des territoires et de la mise en œuvre des politiques publiques, enfin parce qu’il est historiquement et empiriquement et donc culturellement le mieux préparé à faire face à des situations aussi brutales qu’inconnues ».

      Pierre angulaire de l’État territorial en charge des intérêts nationaux, le préfet, en lien avec les services de l’État, est apparu, à l’aune de cette période inédite, comme l’interlocuteur naturel des acteurs du département en temps de crise sachant faire confiance à l’intelligence des territoires dans la résolution de problématiques complexes.

      Châlons-en-Champagne le 24 juin 2020

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