APREF

apref logo transparent

Témoignage de Mme. Marie BAVILLE, Sous-Préfète de Montreuil (France)

  • Ce sujet est vide.
Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Auteur
    Messages
  • #1491
    APREF

      Les enseignements de la gestion de la crise du Covid-19

      Témoignage de Marie BAVILLE, Sous-Préfète de Montreuil

      Préfecture du Pas-de-Calais

      Texte communiqué par l’Association du corps préfectoral 

       

      L’Histoire nous montre combien les crises sanitaires font progresser l’action publique. A titre d’exemple, le préfet de Meurthe-et-Moselle le rappelle, les épidémies de choléra du XIXème siècle ont amené le baron Haussmann, préfet de la Seine, dans la continuité de l’hygiéniste Rambuteau, à concevoir la rénovation urbaine de Paris afin de permettre un meilleur écoulement des flux d’air et d’eau dans la capitale.

      En 2020, c’est à une crise sanitaire internationale majeure, la pandémie de COVID-19, toujours en cours, que les institutions publiques doivent faire face. Une crise inégalée depuis plus de 50 ans dans son ampleur internationale, sa durée, sa dimension sanitaire, sociale et économique.

      Les retours d’expérience (Retex) qui seront menés sont fondamentaux pour nous permettre d’analyser nos modes de travail et de prise de décision au sein même du corps préfectoral et des hauts-fonctionnaires du ministère de l’intérieur, l’État central et territorial étant – et c’est naturel – en première ligne. Ainsi le souligne le préfet de Haute-Savoie : « en temps de crise, le pays renoue avec le recours à l’État comme défenseur et garant des libertés et des équilibres sociaux ».

      Cette troisième partie d’un premier retex « à chaud », initié au sein de l’ACPHFMI, a pour objectif de lister une première série d’enseignements, issus des contributions d’une quainzaine de préfets que nous remercions très sincèrement.

      Sans prétendre à l’exhaustivité et avec un recul temporel encore très court, il est néanmoins possible de retenir un certain nombre d’enseignements, certains très positifs et donc à capitaliser, et d’autres amenant à une réflexion pour l’amélioration de l’action publique que nous menons.

      1. Capitaliser des expériences et des actions qui ont bien fonctionné

      • Le corps préfectoral à la manœuvre pour l’organisation de la gestion de crise dans la durée

      Le préfet et ses collaborateurs ont confirmé la capacité du corps préfectoral à être les pilotes reconnus de la gestion de crise, y compris dans un contexte inédit et sans manuel préétabli, « Le mode d’emploi, nous l’écrivions au jour le jour », ainsi que le souligne le préfet de l’Oise. Outre la coordination et le pilotage, les préfectures ont eu l’occasion de s’illustrer dans le domaine de la logistique (masques…). L’échelon départemental reste le niveau opérationnel fondamental.

      • Le préfet et ses collaborateurs soutenus dans leur action par l’engagement des personnels des services de l’État, pour maintenir la continuité de la vie de la Nation

       Unanimement, on peut retenir que cette période nous a permis de mesurer l’engagement et la compétence des agents de l’État, dans leurs différentes composantes, et leur sens du service public. Cela intègre notamment les forces de sécurité intérieure, en première ligne sur le terrain, dont « la mobilisation a permis de faire respecter les mesures de restriction imposées par la crise sanitaire » (préfet de la Seine-Maritime) ; et également les fonctionnaires préfectoraux qui ont « montré leur attachement à leurs missions et l’engagement qui pouvait être le leur à se mobiliser en toutes circonstances. » (préfet de l’Essonne). Cette réactivité des personnels tant dans leur capacité à s’organiser que dans leur mobilisation a été facilité 1) par l’existence dans les services de plan de continuité d’activité, rapidement mis en œuvre et adapté et 2) par l’existence d’un dialogue social nourri au sein des CHSCT.

      • Les préfectures, un réseau prêt à fonctionner grâce aux liens habituels tissés avec les élus, partenaires socio-économiques

      Sans revenir sur le détail des liens entre le préfet, les sous-préfets avec les maires, les élus locaux et nationaux, les chefs d’entreprise, les associations… déjà évoqués par ailleurs, le réseau multipartenarial du préfet est un atout majeur pour gérer une crise quelle qu’en soit sa nature, et cela fait partie des enseignements à capitaliser, même s’il apparaît comme une évidence. En particulier, le relationnel d’avant-crise a pu être déterminant, y compris pour éviter ou limiter les clivages pendant la crise.

      • Une communication active sur les réseaux sociaux et en lien direct avec nos concitoyens pour expliquer

      Avec l’aide des foires aux questions définies au niveau national, le réseau préfectoral par des cellules d’écoute téléphonique ou des communications adaptées a pu renouer des liens directs avec le public afin de le renseigner sur la vie quotidienne tout au long des périodes de confinement et de dé-confinement. Le préfet de L’Oise souligne cet enseignement : « C’est l’autre leçon que nous retenons de cette crise : l’importance de rassurer, communiquer, informer sans relâche pour que jamais la raison ne cède à la peur puis à la panique […] le préfet doit pouvoir expliquer sans effrayer, rassurer sans endormir. ». Il s’est construit au fil de l’eau, une communication locale majeure dans un contexte de crise de confiance entre les citoyens et leurs gouvernants.

      • Les liens avec les niveaux central, régional et zonal pour harmoniser la position de l’État dans les territoires, en tenant compte des contextes locaux

      Le Centre Interministériel de Crise (CIC Beauvau) a joué un rôle majeur tant en termes de coordination interministérielle, qu’en matière d’échanges d’information montante et descendante avec les préfets.  Une activation en amont de la période de confinement, aurait été davantage efficace.

      Au niveau local, si le préfet de département garde sa capacité à agir dans la différenciation pour tenir compte des spécificités de son territoire, il s’inscrit dans un réseau régional et zonal qui lui permet d’assurer des prises de décisions en cohérence avec les autres territoires. Ainsi, le préfet de la Marne relève « le rôle de la préfecture de région, préfecture de zone, qui a joué pleinement son rôle de coordination, d’impulsion et de saine émulation entre les départements. Chacune de nos préfectures a, à certains moments, pu trouver au sein des pratiques des autres préfectures, des références de bonnes pratiques qui ont été très utiles ». Il rappelle également « la nécessité de faire confiance à l’intelligence des territoires dans la résolution des problématiques complexes. »

      2. Améliorer l’efficacité de l’action publique

      •  Institutionnaliser le préfet comme pilote de tous les services de l’État déconcentrés en période de crise, et confirmer le ministère de l’Intérieur dans son rôle de chef de file

      Une crise sanitaire devient rapidement une crise socio-économique majeure (impacts sur le PIB, sur l’industrie, sur le tourisme, l’emploi, l’éducation, la formation…). Les crises sanitaires ne peuvent se penser par le seul prisme de la santé, très tôt un regard global doit être porté sur la situation au niveau national, comme au niveau territorial.

      Initialement traité dans la filière santé,  la bascule dans la gestion interministérielle sur le terrain semble un peu tardive alors même que le préfet a cette vocation reconnue par tous, élus et partenaires locaux, d’être le pilote de la gestion de crise. En conséquence, des actions parallèles ont été menées, la circulation de l’information a pu manquer de fluidité dans certains départements et les élus renvoyés tour à tour vers la préfecture ou l’ARS, mettant parfois en difficulté l’unicité de la parole et de l’action de l’État. Ceci s’explique notamment par une organisation régionale des ARS qui a pu perdre ses services opérationnels au niveau départemental, alors même que le niveau départemental reste le niveau de la gestion des événements d’ampleur, comme l’ont rappelé tour à tour le Président de la République et le Premier Ministre.

      La préfete du Jura propose de « réaffirmer le leadership du ministère de l’intérieur dans la gestion de crise, tout d’abord parce que la gestion de crise est une mission régalienne par excellence, ensuite […] parce qu’il est historiquement […] et culturellement le mieux préparé à faire face à des situations aussi brutales qu’inconnues ».

      • A termes, rationaliser l’organisation territoriale et former les maires à la gestion de crise

      Le « millefeuille » territorial vertical (niveaux central, zonal, régional, départemental, EPCI, commune) et horizontal (préfecture, ARS, Conseil départemental, DASEN) se ressent , comme le souligne le préfet de Meurthe et Moselle, il y a à la fois « une profusion d’information à traiter et un temps très important à dédier à la coordination des institutions locales. »

      Si les ARS ont parfois fait l’objet de critiques relatives à leur manque de moyens au niveau départemental, à leur faible opérationnalité pour la gestion de crise, à l’insuffisance de reporting aux préfets, ce sont des aspects qu’il conviendra d’analyser à froid dans une réflexion plus globale de l’organisation de l’État territorial. Néanmoins, le préfet du Lot-et-Garonne souligne que la crise a permis de décloisonner les relations de travail entre les services de l’État, notamment avec l’ARS et les services de l’Éducation Nationale, au service d’un objectif commun.

      Maillon de la gestion de crise au plus proche du terrain, le maire a un rôle fondamental auquel il n’est pas toujours préparé. Aussi la préfète du Tarn indique qu’il apparaît comme « nécessaire de renforcer et rendre obligatoire la formation des maires à la gestion de crise, aux pratiques numériques qui s’imposent dans un souci de réactivité, et au cadre juridique de leurs actions. »

      D’ores et déjà au niveau territorial, ainsi que le souligne le préfet de l’Ain, « le surcroît d’activité durable des services de l’Etat, à la fois durant la crise sanitaire et face à la crise sociale qui s’amorce, ne pourra qu’inciter à investir des champs de simplification administrative déjà bien identifiés ; c’est par exemple le cas par exemple des procédures d’enquêtes publiques conduites par les UD-DREAL. »

      • Poursuivre et accélérer le déploiement des outils numériques au sein du Ministère de l’Intérieur pour faciliter le télétravail et la visio-conférence

      La mise en œuvre du télétravail dans notre administration est à considérer comme une quasi-innovation permise par la crise, et surtout par un management attentif de l’encadrement, mais à optimiser.

      Ainsi que l’indique le préfet de l’Aisne, « qu’il s’agisse de télétravail ou de réunions à distance, notre administration gagnerait à simplifier les procédures et techniques, nonobstant les préoccupations de sécurité, et à savoir utiliser des outils de droits commun. Un système simple et sécurisé de visioconférence pourrait relier les décideurs. Enfin, des outils de veille des réseaux sociaux devraient être renforcés, avec de l’intelligence artificielle et des écrans dynamiques dans les COD ».

      Les outils numériques n’ont pas toujours permis de mener des visio-conférences ou audio-conférences de bonne qualité technique (son, images) lorsque le nombre de participants dépassait la dizaine, c’est un handicap, surtout lorsque d’autres partenaires avaient des solutions techniques de leur côté. Enfin, l’équipement informatique des personnels en télé-travail ou en distanciel reste à compléter, comme l’accompagnement en termes de méthode.

       

      Montreuil le 24 juin 2020

    Affichage de 1 message (sur 1 au total)
    • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet