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Témoignage de M. N’GAHANE, Préfet de la Marne (France)

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    Pierre N’GAHANE

      Le rôle des préfets dans la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 et ses relations avec les élus, partenaires et acteurs locaux.

      Témoignage de M. Pierre N’GAHANE, préfet de la Marne

      Texte communiqué par l’Association du corps préfectoral avec l’aimable autorisation de leurs auteurs. 

       

      La pandémie du Covid-19 a touché de manière conséquente, en tout premier, le département de l’Oise qui est entré en crise sanitaire dès la fin du mois de février, soit près de 20 jours avant l’entrée en confinement de tout le territoire national.

       

      Le 25 février 2020, un enseignant de Crépy-en-Valois décède. Le 26 février le DG-ARS informe le Préfet du département de la gravité de la situation. Ils tiennent ensemble une conférence de presse pour en informer le grand public. La France est rentrée officiellement dans le stade 2 de la pandémie. Les premières mesures gouvernementales sont prises par le Premier ministre Édouard Philippe qui écrit aux maires et aux présidents de conseils départementaux pour qu’ils suspendent tous les voyages scolaires vers l’Italie. Le 29 février les rassemblements de plus de 5000 personnes sont interdits. Dès le 1er mars, c’est le département du Haut-Rhin qui se met en alerte suite à rassemblement évangélique qui s’était tenu à Mulhouse entre le 17 et le 24 février et qui aurait été propice à une contamination de près de 2500 personnes. Le 8 mars, le Ministre de la Santé décrète l’interdiction de rassemblement de plus 1000 personnes tandis que le Préfet du Haut-Rhin anticipe le stade 3 en fermant les écoles et les crèches du département. C’est au 14 mars que le Président de la République annoncera la fermeture de tous les lieux publics non indispensables à la vie du pays ainsi que tous les établissements scolaires à compter du 16 mars.

      C’est le 17 mars 2020 que la France franchit le stade 3 de la pandémie en imposant un confinement sur tout le territoire national jusqu’au 30 mars, assorti d’une fermeture des frontières. Elle n’en sortira officiellement que le 11 mai 2020 après avoir dû renouveler la période de confinement par 2 fois, du 31 mars au 14 avril et du 15 avril au 10 mai.

      Durant ces 55 jours de confinement, le préfet de département a tenu son rôle de gestionnaire de crise, mais au-delà de ses prérogatives formelles, il a été le pivot autour duquel les élus, les partenaires et les acteurs locaux ont pu construire des réponses adaptées à la singularité de chaque territoire. Il a par ailleurs été le principal canal de communication pour le grand public dont on peut imaginer l’anxiété suscitée par cette pandémie inédite.

      1. Le tandem gagnant Préfet/Maire voire Préfet/élus locaux, dans la mise œuvre de réponses territoriales adaptées

      Le préfet de La Seine Maritime affirme que « durant la période de confinement, les services de l’État, et notamment la préfecture, ont été le principal interlocuteur vers lequel les maires et les acteurs socio-économiques se sont tournés. À cet égard, la période de confinement aura montré l’importance du lien unissant le préfet et les maires, cela en dépit des phases successives de décentralisation ».

      Si le Préfet n’a jamais été contesté dans son positionnement dans la gestion de la crise, il a très vite pris conscience que les instructions ministérielles ou celles de la Cellule Interministérielle de Crise (CIC) avaient vocation à s’adapter à la réalité locale des territoires.

      Pour piloter cette crise, la plupart des préfets ont mis en place des instances de pilotage en distanciel (soit en audio soit en visio), prenant soit la forme d’un Centre Opérationnel Départemental (COD) soit une autre forme adaptée à la présence d’élus locaux.

      Par ailleurs, les élus locaux ont systématiquement été informés mais mieux encore consultés dans le cadre des décisions prises par les préfets dans la gestion des différentes phases du confinement. Dans le Lot-et-Garonne par exemple, le COD a été ouvert au Conseil départemental mais aussi à l’agglomération d’Agen. Certains préfets, en plus du COD, ont privilégié des réunions infra-départementales, à l’échelle des arrondissements avec une implication forte des sous-préfets, pour favoriser encore davantage le dialogue local et l’implication forte des maires au plus proche de la réalité de leur territoire, comme dans la Marne.

      La meilleure illustration porte sur les dérogations accordées par le Préfet à l’ouverture des marchés alimentaires notamment. L’implication des sous-préfets a été essentielle pour construire le dialogue, marché par marché et, commune par commune afin de trouver un juste équilibre. Ce dialogue avec les élus s’est aussi imposé lorsqu’il a fallu dans certains territoires imposer un couvre-feu pour faire respecter les mesures du confinement. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle par exemple s’est entendu avec le maire de Nancy pour signer l’arrêté d’interdiction de rassemblement sur la commune. Les maires ont été pleinement associés à la mise en place des mesures de confinement sur les territoires. Les polices municipales ont été très actives pour faire respecter les dérogations de sorties des habitants dans les communes et surtout sur des périodes traditionnelles de fêtes comme ce fut le cas pour le week-end pascal.

      Pour le préfet de l’Oise, « L’institution préfectorale a joué un rôle central tout au long de la crise avec comme conviction qu’infléchir l’évolution de l’épidémie exige de décider et d’agir rapidement. Dans l’Oise, un circuit décisionnel court a été mis en place, prenant appui sur le couple préfet-maire, pour marier la connaissance du terrain avec la cohérence de l’État territorial. Une association particulièrement féconde  pour décider des dérogations autorisées aux interdictions de rassemblement – autorisation de marchés, instauration de couvre-feux. Rien ne fut décidé sans proposition ou concertation avec le maire concerné ».

      Un autre moment fort de dialogue avec les maires a été de participer à l’organisation, sous la coordination des DASEN, de l’accueil des enfants des publics prioritaires et notamment des soignants engagés dans la lutte contre le Covid-19. La mobilisation des enseignants fut complétée par celle des personnels des collectivités ainsi que celle des accueils collectifs de mineurs.

      Le préfet de l’Isère estime que ses décisions ont été prises « dans le cadre d’une concertation renforcée avec les élus ». Il n’hésite pas à souligner « la mobilisation des maires du département pour relayer les messages du confinement et de prévention sanitaire portés par l’État » et de conclure que « le partenariat préfet/maire a été la cheville ouvrière de la gestion de crise ».

      Chaque préfet a été par ailleurs amené à dialoguer en permanence avec les parlementaires du territoire. Ces moments de rencontre ont connu des rythmes différents qui vont de deux réunions hebdomadaires (comme dans le Lot-et-Garonne), à une réunion par semaine, pour la grande majorité des départements.

      1. Le préfet au centre d’une mobilisation exceptionnelle des partenaires économiques et de la société civile.

      Cette crise a été un moment fort de rapprochement, non seulement par une coopération renforcée des services de l’État avec les collectivités territoriales, mais également par une collaboration inédite avec les acteurs économiques, témoignant ainsi de la capacité de mobilisation, de solidarité, d’innovation et d’intelligence des territoires.

      Le dialogue avec les acteurs locaux et la société civile s’est fait à travers les moyens numériques disponibles. Si certains préfets ont privilégié les conférences audio, d’autres sont allés bien plus loin. Le préfet de Meurthe-et-Moselle par exemple n’a pas hésité à utiliser les réseaux sociaux comme Facebook-Live ou Skype pour réunir le maximum de personnes.

      Les entreprises ont été particulièrement mobilisées à travers les réseaux des chambres consulaires ou les différentes fédérations de filières ou de branches.

      Pour le préfet de l’Essonne, « la relation avec les acteurs locaux, notamment les chambres consulaires, les collectivités locales (et notamment ceux qui ont une compétence économique de proximité) ont permis de mettre des dispositifs de suivis en place notamment pour le démarrage du secteur du BTP. Cette organisation a permis d’avoir une approche spécialisée, tel sous-préfet d’arrondissement suivant spécifiquement les start-ups, tel autre facilitant la mise en place de productions alternatives de masques ou encore sur le plateau de Saclay, autour d’une organisation spécifique appelée « bureau des temps » (gestion des horaires pour éviter la congestion des transports), d’allier les collectivités et les clubs d’entreprises autour de solutions de télétravail ou de transport ».

      Au moment où le gel hydroalcoolique était peu disponible sur le marché, certains préfets ont mobilisé des entreprises comme dans la région Grand-Est par exemple, où la sucrerie Téréos ou encore le fabricant d’essences pour parfumerie Givaudan, ont adapté leurs outils de production pour fabriquer du gel hydroalcoolique. Cette production a été gracieusement mise à la disposition des secteurs hospitaliers et médico-sociaux. De même, au moment où les équipements de protection individuelle (EPI) dont les masques se faisaient rares sur le marché, plusieurs collectivités locales, entreprises et autres institutions, à travers l’appel des préfectures, n’ont pas hésité à donner à titre gracieux ce qu’elles avaient en stock ou à réorienter leur production. Par ailleurs, des entreprises locales se sont spontanément manifestées pour fabriquer des visières transparentes avec imprimantes 3D. De la même manière, l’appel à la confection de sur-blouses pour les soignants sur la base d’un patron fourni par l’ARS Grand-Est, a été particulièrement relayé sur Facebook. Les réponses nombreuses de particuliers ont nécessité l’organisation de tournées de collecte par les agents des préfectures. Dans la Marne, le directeur du site d’Épernay de la société Chantelle a proposé ses locaux, des machines et des fournitures à des dizaines de bénévoles volontaires pour confectionner des blouses pour soignants.

      En conclusion

      Le préfet du Doubs résume bien l’enjeu du rôle assuré par l’Etat au niveau local dans la gestion de cette crise du Covid-19. Pour lui, « L’Etat a joué un rôle central dans le dispositif, et faisait l’objet d’attentes fortes de la part des citoyens et des acteurs économiques et sociaux. »

      La gestion de la crise du Covid-19 au cours des 3 séquences du confinement, depuis le 17 mars, a conduit à un exercice inédit pour les services de l’État dans les territoires. Avec moins de 20 % d’effectifs en présentiel, un fonctionnement en tension extrême des moyens a été mis à l’épreuve avec beaucoup de réussite.

      Les rôles des préfectures de région mais aussi des préfectures de zone ont été confortés dans la coordination des actions des préfectures de département mais aussi et surtout dans la mobilisation des moyens des zones de défense pour trouver des solutions inédites.

      C’est enfin, sans être exhaustif, une période qui a permis de mesurer l’engagement et la compétence des agents de l’État ainsi que leur sens du service au public.

       

      Châlons-en-Champagne, le 21 juin 2020

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