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Témoignage de Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est (France)

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    Yasmine LAAROUSSI

      Covid-19 : comment l’État a relevé le défi d’une crise inédite dans le Grand Est

      Texte communiqué par la Revue Administration avec l’aimable autorisation de leurs auteurs. 

      Josiane CHEVALIER, préfète de la région Grand Est, préfète de la zone de défense et de sécurité Est, préfète du Bas-Rhin

       

      L’épidémie du Covid-19 a provoqué une crise exceptionnelle dans son intensité, sa soudaineté et sa durée. En première ligne face au fléau, les services de l’État dans la région Grand Est, sous mon autorité, ont su mobiliser et adapter tout leur potentiel pour « faire bloc ». Ils ont su bâtir avec les partenaires locaux de nouvelles formes de coopération, de solidarité et d’engagement sur lesquelles il faudra s’appuyer dans une période de « renaissance » qui s’annonce longue et difficile mais également plein d’opportunités. Plus que jamais, l’État territorial s’affirme comme un acteur incontournable dans la gestion de crise.

       

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      À maints égards, l’épidémie de Covid-19 constitue une crise inédite pour les services de l’État. S’il s’agit initialement d’une crise sanitaire, les ramifications ont atteint toutes les sphères de la vie publique (choc économique sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, fragilisation extrême des personnes vulnérables, bouleversement de la vie démocratique avec le report des élections municipales). Avec le confinement mais aussi le deuil, dans des conditions parfois très difficiles, c’est aussi la vie privée et intime des Français qui a été touchée au cœur.

      Comme souvent au cours des grandes épreuves de son histoire, le peuple français s’est tourné vers l’État pour assurer sa protection. L’État a répondu présent à ce rendez-vous. Dans le Grand Est, deuxième région la plus touchée, les administrations déconcentrées ont démontré leur capacité d’adaptation à l’imprévu.

      La spécificité de cette crise, qui a pour caractéristique de pouvoir affecter, directement ou indirectement, les personnels en charge de sa gestion, a nécessité l’adaptation de l’organisation des ressources humaines afin, d’une part, de limiter les risques de contamination au sein des services (l’ensemble des personnels non indispensables ayant été invités à poursuivre ses activités en télétravail) et, d’autre part, de garantir la permanence des fonctions liées à la gestion de crise (veille, réaction, communication de crise, etc.).

      Au niveau de la préfecture du département du Bas-Rhin, dès le début de la crise, j’ai fait le pari qu’une association large de tous les acteurs était le meilleur moyen de faire front. L’audioconférence COD quotidienne a donc été ouverte à la CAF et à la DSDEN, pour assurer le suivi de la garde d’enfants des publics prioritaires ; à l’URPS pour la médecine libérale ; ainsi qu’aux principaux élus locaux (conseil régional, conseil départemental, maire de Strasbourg, Eurométropole de Strasbourg). Les parlementaires ont été destinataires chaque jour des communiqués de presse et de synthèses faisant le point sur la situation et ont été conviés une fois par semaine au COD.

      De manière coordonnée avec les services du cabinet, les services du secrétariat général de la préfecture du Bas-Rhin ont mis en place une organisation fonctionnelle de soutien à travers 4 cellules dédiées en matière d’appui juridique (veille juridique, analyses des projets de mesures réglementaires à prendre), d’appui aux acteurs économiques, d’appui aux collectivités territoriales et d’appui aux personnes vulnérables (gens du voyage, migrants, SDF, etc.). Enfin, les sous-préfets d’arrondissement et les autres services déconcentrés (DDI) et la DT de l’ARS ont pris une part active dans la gestion de cette crise.

      Au niveau régional, la coordination avec les départements a été assurée par la mise en place de cellules, notamment la cellule « continuité économique » que je co-pilote avec le président du conseil régional, et la cellule « masques et EPI » que j’ai constituée au SGARE. Cette dernière est chargée de coordonner les actions d’approvisionnement, de collecte, de fabrication, d’importation et de distribution de masques, gel ou autres EPI, en lien avec le conseil régional et les administrations centrales et dans le respect des directives de l’ARS en matière de priorisation des bénéficiaires et de distribution. Une cellule « aspects  transfrontaliers », sous pilotage du conseiller diplomatique, a par ailleurs assisté l’ARS dans l’organisation d’évacuations sanitaires vers des établissements hospitaliers des pays voisins destinées à  soulager les hôpitaux (179 transferts).

      La préfecture de zone, outre son rôle de coordination et de diffusion de l’information, assure, en lien avec l’opération Résilience, un rôle d’opérateur logistique au profit des services de police, de gendarmerie et des préfectures, par la livraison de masque et de gel, par l’ouverture des ateliers automobiles aux véhicules des SDIS ou encore par l’organisation de transferts sanitaires.

      La coordination avec l’échelon central s’est avérée essentielle pour garantir le partage d’informations et une optimisation des mesures prises sur l’ensemble des départements. Les visioconférences quotidiennes avec la cellule interministérielle de crise ont, à cet égard, pleinement rempli leur rôle.

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      Cette configuration a permis à l’État de s’organiser de manière souple pour remplir les missions qui lui incombaient mais également pour travailler de manière coordonnée avec ses partenaires dans les territoires. Conjointement avec la collectivité régionale, l’État a œuvré pour mettre en œuvre les mesures de soutien à la reprise économique décidées par le Gouvernement.

      Avec la collectivité départementale, les services de l’État ont tout particulièrement veillé à la situation des personnes vulnérables : le commissaire à la pauvreté a joué un rôle actif dans ce partenariat. Preuve de cette collaboration fructueuse, le Bas-Rhin a été le premier département à expérimenter le retour des visites en EHPAD, dans des conditions strictes de sécurité sanitaire.

      L’appui de l’État va également aux maires et aux responsables d’intercommunalité. Le réseau des sous-préfets a été mobilisé à cet effet, notamment pour accompagner les collectivités dans la proximité.

      L’État a aussi su faire fructifier la collaboration inédite avec les acteurs économiques, en particulier pour renforcer les capacités à produire des équipements indispensables en temps de crise (visières anti-projections par imprimantes 3D des Makers contre Covid-19 par exemple).

      Dans les mois difficiles de « renaissance » qui s’annoncent, la capacité à capitaliser sur la confiance nouée par ces solides partenariats territoriaux sera déterminante pour accroître notre résilience et permettre un retour à la normale le plus rapidement possible.

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      La préparation et la mise en œuvre du déconfinement est le premier défi de « l’après ». Très vite, l’idée d’une adaptation du déconfinement aux réalités locales s’est imposée, pour préserver les capacités de nos hôpitaux durement éprouvées. La consultation de l’ensemble des préfets du Grand Est a permis d’exposer finement les défis spécifiques de la région auprès des autorités nationales ; la classification des départements verts et rouges témoigne de l’écoute réciproque entre les services centraux et déconcentrés de l’État.

      La gouvernance de sortie de crise a été adaptée pour prendre en compte les nouveaux enjeux. Au niveau du Bas-Rhin, trois cadres de dialogue avec les élus ont été mis en place : le premier, avec l’AMF et 10 maires choisis par cette association, a vocation à prendre en compte de manière différenciée les défis propres aux territoires urbains et ruraux ; le deuxième, avec le maire de Strasbourg, le président de l’Eurométropole, l’AMF et le président du conseil départemental ; le troisième, avec les 16 parlementaires du Bas-Rhin, y compris les deux députées européennes, dans l’esprit du contrôle parlementaire. Le couple maire-préfet tient une place centrale dans cette gouvernance.

      Le comité de pilotage départemental tests-PCR, copiloté avec l’ARS, se tient chaque semaine pour assurer la préparation et le suivi de la stratégie « tests-traçabilité-isolement », essentielle à la prévention d’un rebond épidémique.

       

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      Alors que la crise du Covid-19 est loin d’être derrière nous, elle a d’ores et déjà consacré le retour au premier plan de l’État dans sa mission « protection des populations ». Pour appuyer cette mission, il est nécessaire de consolider le pilotage interministériel du préfet au niveau déconcentré et son rôle d’ensemblier. La différenciation doit être poursuivie pour libérer les initiatives et encourager la coproduction avec les collectivités de réponses innovantes et adaptées aux spécificités de chaque territoire. Dans des territoires aussi singuliers que ceux du Grand Est, cette ambition trouverait une résonance toute particulière.

      Grâce à sa capacité d’adaptation et d’action, avec un engagement fort des professionnels du soin, l’État territorial a réussi à freiner la propagation de l’épidémie. Ce résultat, nous le mesurons tous, a été atteint au prix d’efforts considérables consentis par l’ensemble des citoyens. Si le déconfinement représente un défi d’autant plus redoutable qu’il n’existe pas de précédent, l’État et la société française peuvent en revanche s’appuyer, pour bâtir « l’après », sur le courage, la fraternité et l’audace dont ont fait preuve leurs aînés pour reconstruire le pays après les deux guerres mondiales.

       

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