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Témoignage de Dominique LEPIDI, secrétaire général de la préfecture de l’Oise (France)

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      Le préfet de l’Oise et ses équipes en première ligne face au Covid-19 : décider, associer, rassurer, s’adapter

      Texte communiqué par la Revue Administration avec l’aimable autorisation de leurs auteurs. 

      Dominique LEPIDI, secrétaire général de la préfecture de l’Oise

      *****

      Premier département touché par la propagation du Covid-19, l’Oise a été classé « zone verte » le 2 juin dernier. C’est un signal fort, récompense des efforts accomplis dans le territoire pour juguler l’épidémie.

      Le bilan sanitaire est lourd (plus de 580 victimes). Les conséquences économiques et sociales témoignent de la violence du choc.

      Face à une crise d’une ampleur inédite, l’administration préfectorale, notamment, a été en première ligne.

      Cette épreuve aura permis d’éprouver la résilience de nos administrations, leur capacité d’adaptation, et participé d’un rapprochement avec les acteurs du territoire. Des soignants aux sous-préfectures, des élus aux habitants, l’Oise a su répondre présent, fidèle à la tradition d’agir qui se retrouve jusque dans les devises des villes et des villages du département.

      Agir Vite, Fort et Bien (devise de Berneuil sur Aisne)

      Dès les premiers signaux de propagation du virus, la préfecture s’est mobilisée pour protéger les populations et enrayer au maximum la circulation du Covid-19. Le département de l’Oise a en effet précédé de plus de 20 jours l’entrée du reste du territoire français dans une crise sanitaire sans précédent.

      Le 26 février, le directeur général de l’ARS apprenait au préfet Louis Le Franc l’existence de deux cas graves nécessitant une prise en charge hospitalière – un personnel de la base aérienne de Creil et un professeur de Crépy-en-Valois. Ce dernier fut la première victime française décédée du virus. Le préfet et le directeur général décidèrent de se rendre à Crépy-en-Valois et de tenir une conférence de presse commune.

      Trois jours plus tard, alors que les services de réanimation des hôpitaux de l’Oise sont transformés en unités Covid, que le nombre de personnes contaminées augmente de manière exponentielle, la gestion de crise prend un tour inédit. Le préfet Louis le Franc, le sous-préfet de Senlis et le directeur général de l’ARS sont placés en quatorzaine après que le maire de Crépy-en-Valois a été testé positif.

      L’inquiétude devient alors palpable parmi les élus et la population. Le département, et en particulier ses neuf premières communes dites « clusters », font l’objet d’une attention médiatique extrême ; les journalistes se lancent dans des conjectures inquiétantes, à la recherche du « patient zéro ». Force est de constater que les habitants de l’Oise ont eu à souffrir d’une forme de stigmatisation liée au statut de précurseur du territoire face à l’épidémie.

      Faire, mais bien Faire (devise de Noyers-Saint-Martin)

      Dès les premiers jours, la réponse des services de l’État s’organise. Un triumvirat constitué du préfet, du directeur général de l’ARS et de la rectrice d’académie d’Amiens présente un front uni pour contrer la diffusion de la pandémie. Cette solidarité dans l’épreuve est guidée par un souci d’efficacité. Symbole de la synergie entre les différents services de l’État, le préfet et la rectrice ont annoncé ensemble, le 29 février, la fermeture des établissements scolaires dans les communes « clusters ».

      Mais la gestion de crise au quotidien exige de s’adapter aux circonstances et de faire preuve d’un engagement total. Ainsi, le placement en confinement du préfet induit une gestion particulière, mais maîtrisée, de la crise. Celui-ci décide en effet de son bureau grâce aux outils numériques mis à sa disposition, tout en gérant des centaines de sollicitations d’élus par téléphone et messages. Le secrétaire général et le directeur de cabinet se partagent l’animation des réunions, des déplacements, de la cellule de crise et de la cellule d’information du public animées par un cabinet rodé par huit mois de permanences relatives aux gilets jaunes.

      La méthode choisie conjugue arrêtés fixant les principales mesures coercitives – interdiction des rassemblements dès le 29 février, fermeture des établissements scolaires dès le 1er mars dans les communes clusters puis dans tout le département de l’Oise le 9 mars sur décision du Premier ministre – et droit souple pour adapter les mesures aux spécificités de chaque secteur, par l’intermédiaire d’une foire aux questions. Actualisée chaque jour, celle-ci est envoyée aux élus et diffusée sur les réseaux sociaux de la préfecture. Ce recours au droit souple facilite l’adaptation des réponses apportées à la crise en fonction des échos du terrain.

      La séquence est éprouvante. Elle constitue un véritable saut dans l’inconnu. L’Oise a fait figure de laboratoire quant aux réponses à apporter à la crise du Covid-19 sans qu’il soit possible de cerner précisément l’ampleur de l’épidémie, sa cinétique, et encore moins les conséquences économiques et sociales qui allaient naître dans son sillage. « C’est un saut dans l’inédit, se souvient le directeur de cabinet Cyriaque Bayle. Aucun manuel, aucun plan ne pouvait anticiper les mesures à prendre. Le mode d’emploi, nous l’écrivions au jour le jour ». Mais, comme par le passé, tous les acteurs du département ont su faire face, et d’abord, ont su résister à la panique.

      Résiste toujours (devise de Croutoy)

      L’institution préfectorale a joué un rôle central tout au long de la crise avec comme conviction qu’infléchir l’évolution de l’épidémie exige de décider et d’agir rapidement. Dans l’Oise, un circuit décisionnel court a été mis en place, prenant appui sur le couple préfet-maire, pour marier la connaissance du terrain avec la cohérence de l’État territorial. Une association particulièrement féconde pour décider des dérogations autorisées aux interdictions de rassemblement – autorisation de marchés, instauration de couvre-feux. Rien ne fut décidé sans proposition ou concertation avec le maire concerné. À cet égard, les sous-préfectures d’arrondissement ont occupé un rôle majeur. Elles ont notamment permis d’associer étroitement les responsables des grands sites touristiques, comme le château de Chantilly, le parc Astérix, le château de Compiègne, aux décisions prises. La sous-préfecture de Clermont fut également le siège d’un travail essentiel : celui d’anticiper le traitement de décès massifs et de protéger les acteurs funéraires.

      Il nous semble aujourd’hui que l’institution préfectorale devrait sortir renforcée de l’épreuve. Pierre angulaire de l’État territorial, en charge des intérêts nationaux, le préfet est apparu, à l’aune de cette épreuve, comme l’interlocuteur naturel des acteurs du département en temps de crise.

      Pour faire admettre les conséquences, parfois lourdes, des mesures adoptées, le préfet a fait le choix d’associer étroitement les élus. Des réunions très fréquentes sont ainsi organisées pour expliquer les décisions, leur portée, la manière de les mettre en œuvre. Dans l’Oise, cette collaboration a pris la forme d’une réunion hebdomadaire avec les parlementaires, la présidente du conseil départemental et le président de l’union des maires, en présence des services de l’État concernés, d’un point de situation de quotidien transmis à l’ensemble des maires, sans compter les visio-conférences autour du préfet de région, Michel Lalande.

      Cette pédagogie a semble-t-il porté ses fruits. Le civisme dont ont fait preuve les habitants de l’Oise durant tout le confinement en témoigne. C’est l’autre leçon que nous retenons de cette crise : l’importance de rassurer, communiquer, informer sans relâche pour que jamais la raison le cède à la peur puis à la panique. Mais la transparence ne doit pas ressembler à un technicisme froid, et c’est encore à cet égard que le préfet doit pouvoir expliquer sans effrayer, rassurer sans endormir.

      Enfin, le fonctionnement des services de la préfecture a été adapté pour protéger les agents tout en assurant la continuité de l’État. Des processus de travail innovants ont été mis en place, du télétravail au travail à domicile, en passant par l’aménagement des espaces de travail et la mise en œuvre de mesures prophylactiques. Cette nouvelle organisation du travail, dans des délais très courts, a réclamé un management attentif aux situations individuelles et collectives, en lien permanent avec les représentants syndicaux.

      Construire l’avenir au quotidien (devise de Canly)

      Alors que le Covid-19 a été pour la première fois diagnostiqué dans l’Oise, le département a été classé « zone verte » le 2 juin dernier. C’est un signal fort, récompense de semaines vécues sur le qui-vive, alors que la France avait les yeux rivés sur ce territoire à l’avant-poste de la lutte.

      Le combat n’est pas fini, et nous devons rester attentifs au contexte sanitaire pour éviter que l’épidémie ne se propage à nouveau. Toutefois, alors que de nombreux plans sociaux sont attendus dans le département, notre priorité consiste aujourd’hui à accompagner avec détermination la reprise de l’activité.

      C’est en visant déjà le redressement économique du pays que nous avons organisé régulièrement pendant la crise des Codéfi (comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises), en format plénier et restreint. Le lien des services de l’État (préfecture, DDFIP, Banque de France, UD Direccte) avec les partenaires économiques sort renforcé de l’épreuve. À nous de conforter et d’amplifier ce partenariat.

      La gestion d’une crise agit comme un formidable révélateur du courage et de l’abnégation. Elle exige d’agir sous contrainte, d’innover, de prendre des risques. Pour le représentant de l’État et les équipes qui l’entourent, la crise réclame que l’on se fixe un cap, en lien avec l’administration centrale, les élus, les relais d’opinion et les citoyens. Le portrait que dresse le préfet Louis Le Franc est à ce titre éloquent : « il faut être équilibré, garder sa sérénité. Le rôle du préfet est de rassurer, d’être vigilant, de faire preuve d’une certaine assurance vis-à-vis des évènements, de garder son sang-froid, et surtout d’expliquer. Dans de telles situations, le rôle du préfet prend le pas sur la personne ».

      Fort des acquis, l’État dans l’Oise peut attaquer la nouvelle phase qui s’ouvre, et non des moindres : la bataille pour la reconstruction.

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